Lettre ouverte à Michel Drucker et à Claudy Siar
Messieurs
C'est avec une gêne profonde que j'ai regardé le Concours Eurovision de la Chanson 2006 que vous avez animé. Tout comme vous, j'ai été particulièrement choqué par le dénouement de cette tombola, et je tiens ici à faire partager mon dégoût, je pense légitime, à l'ensemble des téléspectateurs.
Bien évidemment, le dégoût suscité n'a rien à voir avec le résultat des courses. Le groupe Lordi, dont la prestation fut aussi distrayante que travaillée (vous noterez l'absence des artifices réguliers, comme les danseurs torses nus ou les mini-jupes) mérite amplement sa large victoire.
Si j'ai difficilement réprimé une envie de vomir lors de l'annonce du vainqueur, c'est évidemment votre attitude odieuse qui en est la cause.
Monsieur Drucker, Monsieur Siar, si la France s'est encore rendue ridicule ce soir, ce n'est pour une fois pas la faute de sa représentante, contrairement à l'habitude. Vous êtes les seuls responsables du déshonneur que nous venons de vivre. Votre absence de clairvoyance, d'ouverture d'esprit, de fair-play a sauté aux yeux du pays tout entier. Le chauvinisme pénible et épuisant dont vous avez fait preuve tout au long de cette cérémonie fut le spectacle de loin le plus laid de cette soirée. Et lors de l'annonce, prévisible et annoncée sur internet depuis des semaines, de la victoire des Finlandais, votre haine de l'originalité et votre méconnaissance de la musique a jailli dans mes hauts-parleurs comme le pus qui s'expulse d'un bouton.
Monsieur Drucker, nous avons tout de suite compris que votre présence en Grèce vous était pénible. Nous nous en fichons. Vous êtes payé pour faire semblant d'être content, non pour vous plaindre de votre condition toutes les trois minutes. Vous êtes envoyé sur place pour présenter des artistes, expliquer d'où ils viennent, ce qu'ils font, et livrer quelques anecdotes ou blagues piquantes à leur sujet. Non pour les détruire, les conchier, ou au mieux bailler devant eux.
Quant à vous, Monsieur Siar, comment avez-vous pu, sans rire, prétendre que Virginie Pouchain pouvait s'octroyer une des cinq premières places ? Aucune mise en scène, des paroles des plus impersonnelles et des plus mièvres, incompréhensibles par tous les autres pays (et par tous les francophones qui ne se droguent pas), chantées sur une musique répétitive et molle par une jeune fille bien trop sagement vêtue, cela pouvait-il, à votre avis, obtenir une quelconque récompense ?
D'après mon programme télévisé, vous avez été choisi, Monsieur Siar, pour votre connaissance musicale. Je passerai sur l'histoire du rock, du metal, du gothique et de toutes ces choses dont vous ignoriez l'existence, pour vous poser cette simple question : avez-vous noté, cher Claudy, cher expert musical, que Lordi, sur lesquels vous avez copieusement déféqué toute la soirée, étaient les seuls candidats à jouer sur scène d'un intrument ? Tous sans exception ?
Etes-vous aveugles ou innocents, Messieurs, au point de n'avoir jamais remarqué que l'Eurovision est la fête du clinquant, du grandiose et de l'excès ? Comment avez-vous eu l'audace de lâcher ce méprisant "C'est pas avec ça qu'ils vont gagner", à la sortie du groupe qui incarnait aux yeux de tous l'esprit Eurovision dans sa quintessence suprême ?
Plus grave, vous avez rapidement oublié que la France elle-même a largement contribué au succès finlandais, en lui accordant huit points. Au moment où vous avez su que vos propres téléspectateurs venaient de vous désavouer de manière cinglante, vous auriez pu changer respectueusement d'attitude, à défaut d'opinion. Mais vous les avez ignorés.
Vous avez préféré vous enfermer dans votre bêtise et votre idiotie, et avez choisi de délibérément gâcher la fête en empêchant ceux qui vous regardaient de profiter du morceau pour lequel ils avaient clairement signifié leur préférence. Le bouquet final dont vous nous avez gratifié fut à ce titre des plus minables.
Oui, vous fûtes minables.
J'ose espérer votre absence lors du prochain concours. Je pense que le souhait est d'ailleurs partagé. Je profite également de l'occasion pour demander à Patrick de Carolis, à Pascal Sevran, ou à Lionel Florence de se tenir à l'écart d'un évènement qu'ils n'ont clairement pas compris, ou qui a évolué sans eux.
J'ai pu lire que l'on considérait l'Eurovision comme ringarde. C'est uniquement parce que ceux qui s'en occupent en France sont ringards eux-mêmes.
Je ne vous salue évidemment pas.
MCaine